mardi 22 août 2017


Quelques broches...



Si mes billets se font rares, le travail à l'atelier se poursuit.....
Mes dernières réalisations ; ces quelques broches accompagnées de leurs étuis.

  • Coquille d'oeuf
  • Poudre d'or
  •  Feuille d'or
       Etuis réalisés en cartonnage dans l'atelier















mardi 16 juin 2015

MARIA STELLA !

Mes Maria !

Détail tableau 5



Il est des jours où la vie vous réserve de jolies surprises ! Pas besoin de chasser le trésor pour qu'il vienne à vous ! C'est peut-être bien qu'on le mérite ou qu'il vous choisit ! Présomptueuse, certes un peu me direz-vous !
On dit bien un Vélasquez, un Picasso, ben moi je dis un Maria, mes Maria !

Ainsi lors d'une brocante qui n'en avait que le nom, maussade et déçue, je mets le nez dans un carton, et tombe en arrêt devant un, puis deux, puis trois, puis quatre, puis cinq petits tableaux. Un véritable coup de cœur, totalement séduite ! Pas question de les laisser moisir. Prudente, j'en demandai le prix, persuadée que l'heureux possesseur allait m'en réclamer une fortune. Prête à n'en acheter qu'un seul et laisser à regret les 4 autres. L'idée du choix me torturait déjà ! Mais non, le propriétaire ricanant me proposait le lot à un prix tellement dérisoire que la honte ici m'interdit d'en dire plus ! Ils me parlaient tellement que les brader paraissait aussi incroyable qu'injuste. Et depuis, chaque jour, je les regarde sans cesser de les admirer, une véritable histoire de cœur !

Ils n'ont certainement de valeur que celle que je leur donne. Aucune cote au Bénézit, certainement zéro sur le marché de l'art, mais Maria, c'est mon illustre inconnue. Je ne sais rien d'elle, je n'en saurai probablement jamais rien, mais elle m'est précieuse et quel bonheur de sortir au grand jour sa peinture. Elle ne méritait pas de tomber aux oubliettes. La grande histoire et la petite, La grande peinture et la moins grande, les gens illustres ou pas...     Pour moi, pas de différence.

Détail - Signature de Maria
Art brut ou art naïf, je penche pour l'art naïf. Signés par Maria qui pose une étoile sur le I de son prénom, avait-elle des étoiles plein les yeux pour peindre ainsi ? Pourquoi peignait-elle ? Quelle est l'urgence qui conduisait son pinceau ? Quelles sont les histoires racontées par Maria ?

On entre dans ses tableaux, dans son monde, mais elle laisse la part belle à l'imagination de celui qui regarde. Chaque toile est une porte ouverte, une invitation aux rêves du spectateur, d'ailleurs ses personnages ne sont jamais limités ou cadrés par la toile. De grands yeux, de grands sourires, des pommettes rondes, des mains de trois ou quatre doigts, tels sont ses personnages.


Tableau n° 1
27 cm x 35 cm
1 - Trois personnes sur ce tableau. Sur la gauche, une femme ornée de boucles d'oreilles et d'un turban bleu. Elle occupe la majeure partie de l'espace. A sa droite en bas un deuxième personnage, probablement une femme coupée sur le côté droit, son apparence est moins joviale. Un troisième personnage à droite, non pas de face mais tourné d'un ½ tour, sans cheveux. Est-ce un bébé ? Les trois personnages sont-ils à trois âges de la vie ? Reflètent-ils les sentiments qu'elle a pour eux ? Libre à chacun d'inventer son histoire.


Tableau 2
27 cm x 35 cm

2 - Un soleil, et deux personnages se tenant par la main, non pas de façon verticale mais avec une inclinaison ; ils se trouvent sur une sphère. Trois doigts à chaque main. Les chaussures du personnage de gauche comportent un petit talon, mais le pied reste horizontal. La deuxième personne présente son corps de profil, sa tête est de face. Est-ce bien important ? Encore une fois, l'histoire prime, le charme opère !

Tableau 3
33 cm x 41

3 - Deux personnages ravis d'être dans les airs, voyez la position des bras. Sont-ils dans de souriants chaudrons ou autre objet ? Le plus proche est de taille plus importante que le plus éloigné, un peu tronqué sur la gauche. Trois doigts, quatre doigts, qu'importe ! On est heureux de se balancer !



Tableau 4
27 x 35 cm

4 - On vole dans une fleur, un oiseau de profil, un avion. Accompagné par un troisième personnage tronqué sur la gauche, juste la tête, mais que fait-il là ? L'histoire encore une fois ne s'arrête pas là !

Tableau 5
27 cm x 35 cm
Pas de personnage, mais deux animaux en premier plan, chiens, dromadaires ? De profil ou de face ? Chacun choisit ! Au loin, un palmier et deux constructions orientalisantes. Un soleil. Une nouvelle histoire ; et Maria nous emmène en voyage !

Un univers très coloré, plein de vie et d'imagination. Sa signature pourrait-on dire, ses fonds très travaillés parsemés de petits ronds et de taches de couleur, accentués par des traits fins souvent blancs comme un travail de gravure. 

détail des fonds
On pourrait penser à une étude pour textiles
Ces tableaux m'enchantent, j'y trouve poésie, humour, une ingénuité et un imaginaire très personnel. Son monde semble simple et joyeux. Semble car j'ai tenté de chercher ce qui pouvait se cacher derrière cette simplicité, mais je n'y ai rien trouvé uniquement l'envie de voir à travers les yeux de Maria et pas plus.


Un parfum d'innocence, une singularité propre et surtout une extraordinaire liberté, voilà ce qui m'attache à mes Maria. Il aurait été trop triste de les laisser pourrir au fond d'un carton. Et finalement n'est-il pas mieux d'aimer une œuvre dont on ne connait pas l'auteur, rien ne vient parasiter le regard qu'on lui porte. 



Illustrations issues d'une collection personnelle. Tous droits réservés.

mardi 2 juin 2015

Backstage d'un stage !

Il y a quelques semaines, j'ai délaissé mon écran avec bonheur pour rejoindre un stage de laque pendant 5 jours.

Il est long le chemin de la laque ! Parfois parsemé de doutes, de découragements dans la solitude de son atelier. Pas facile de travailler seule quand on débute.

Alors, il y a les stages. Des respirations, des inspirations, nos petites pendules que l'on remet à l'heure, un plein d'énergie pour toujours continuer. Les stages, que du bonheur !

Panneau réalisé lors d'un précédent stage


Un stage oui, mais pas n'importe lequel, un stage avec Isabelle Emmerique, artiste laqueur et Maître d'art, qui reçoit une dizaine d'entre nous dans son atelier de Colombes. Isabelle dispense avec une grande simplicité et une grande générosité son savoir-faire, son expérience, teintés d'exigence, de passion, sans oublier l'humour. Pendant ces quelques jours à son contact, on a toujours l'impression que la laque est un "possible", le voyage ne nous est pas interdit, même s'il est ardu ! Quelques-unes de ces œuvres aux murs de l'atelier nous en indiquent le chemin. Nous en mesurons la distance. Mais la bienveillance est là et Isabelle est un passeur…. (Je devrais écrire "passeuse" mais le mot sonne moins bien à mes oreilles !)


Panneau réalisé lors d'un précédent stage

Et puis, il y a les copines. Celles avec qui nous allons à ce stage, les copines que nous retrouvons de stage en stage, et les nouvelles copines. Et toujours le fil que tisse ces rencontres ; la laque. Pour certaines une découverte, pour d'autres un perfectionnement. Certaines sont des artistes confirmées, d'autres n'ont aucune formation artistique. Il y a là, des jeunes, des moins jeunes, des moins moins jeunes, mais la plupart avec la conscience aiguë que ces quelques jours vont compter, qu'une porte va s'ouvrir vers un impérieux voyage.

Le décor est planté ? Pas tout à fait, qu'allons-nous apprendre pendant ces quelques jours ? Nous allons travailler simultanément sur deux panneaux. Le premier a une forme d'éventail, le second est rectangulaire (50 cm x 18), ces deux supports ont été préalablement apprêtés, colorés et vernis. Le thème de ce stage était le cycle de la nature, soit les 4 saisons. Après quelques recherches nous avons composé et reporté sur chacun des panneaux notre dessin. Les éléments des décors sont traités en posant de la feuille d'or, (or rouge, or jaune, or vert, paladium) des jeux de cache, des poudres fines bronze ou aluminium, des aventurines (poudres de métal).

Panneau après la pose du 1er vernis


Calque et travail en cours

En dernier lieu, les repiqués qui consistent à redessiner, souligner ou séparer les motifs par un trait, le plus fin possible. Ce trait se fait en deux temps : d'abord au pinceau chargé de peinture à l'huile rouge mélangée à du vernis. Une fois le degré de séchage convenable, on y applique de l'or en feuille. Exercice périlleux vous l'imaginez ! Deux difficultés : tracer correctement son trait et bien estimer le temps de séchage de la matière. Ce travail ne se fait pas sans quelques exercices, évoqués lors d'un précédent billet et dans l'atelier, pas un bruit, si ce n'est quelques bruyantes expirations ; certaines retiennent leur souffle ! Nous terminons par le repiqué noir, un trait noir, sans pose d'or. Et voilà nos panneaux qu'il ne reste plus qu'à vernir.

Panneau après la pose du 1er vernis

Panneau après la pose du 1er vernis

Chaque stagiaire, du néophyte au confirmé, a été jusqu'au bout de son travail, en cinq jours et le résultat est toujours bluffant ! Un stage de qualité, mené d'une main de maître... de maître laqueur bien sûr !

Cerise sur le gâteau, Sasai Fumie, artiste laqueuse japonaise, en France dans le cadre d'une exposition de ses œuvres à la Galerie MIZEN invitée par Isabelle, a passé un moment avec nous, commentant nos travaux avec gentillesse et simplicité. Exceptionnel moment d'échanges.


Bel univers que le monde de laque ! Et pour le découvrir :

mardi 26 mai 2015

L'heure de l'or ou le décor à l'or

Voici venu le temps des beaux jours, enfin presque ! Et qui dit beaux jours dit jardin ! Ce fut donc une parenthèse pour ce blog ; quelques heures à consacrer à mon jardin, lui redonner une belle allure pour la belle saison. Et comme je suis partageuse, et bien j'ai partagé mon temps entre le jardin et l'atelier.

Les fleurs du jardin, car l'art est aussi dans la nature, seront pour un autre billet. Mais elles sont sources d'inspiration pour la réalisation d'un petit panneau en laque, travaillé simultanément avec un autre panneau préparé auparavant. Ce travail fut surtout prétexte à améliorer la réalisation d'un décor à l'or sous toutes ses formes, feuilles, poudres, aventurine.

coquilles d'oeufs et coquillages
Panneau avant décor à l'or
Incrustation de coquilles d'oeufs - Incrustation de coquillages
J'aime les mots, mais je crois aussi en la vertu des images, parfois plus parlantes que de longs discours. Mes propos seront donc illustrés autant que faire se peut, je ne pense pas toujours à prendre des photos !

Avant toute chose, l'élaboration de mon projet sur un calque légendé. Ce calque indique, ce que je vais poser et à quel endroit. Je dois dire, que pour une néophyte, visualiser mentalement ses choix, n'est pas toujours évident ! Les options prises ne sont pas toujours judicieuses et il m'arrive de modifier en cours de travail ! La laque est un long chemin et je n'en suis qu'à l'apprentissage !


Calques préalables
Les calques sont ensuite reportés sur chacun des panneaux et le travail du décor commence. Et là, il m'arrive de jubiler ! Mes motifs se dessinent petit à petit, et lorsque ma feuille d'or est posée correctement c'est un vrai moment de bonheur ! Je vous rassure, ce n'est pas toujours le cas et on a très vite fait d'abîmer son travail ! Trop de précipitation, un nettoyage intempestif, une rayure…..et mes yeux pour pleurer ! Ou tout simplement un résultat final qui ne me plaît pas ; de mauvais choix, un travail pas assez "propre".

Calque reporté sur le panneau
Zones sombres : application du vernir avant la pose d'or
La feuille d'or est posée "à la mixtion", le vernis sert de colle et la feuille d'or ne se posera qu'à l'endroit revêtu de vernis. Une fois celui-ci "amoureux", il est alors ni trop sec, ni trop frais mais juste comme il faut pour recevoir l'or. Et mes deux panneaux se dorent ainsi. Je passe d'un panneau à l'autre en fonction des temps de séchage de mon vernis.


or



Après l'or, les poudres et pour finir les repiqués. Véritable morceau de bravoure, le repiqué or sert à redessiner, rectifier, enrichir le dessin. Il se fait avec un pinceau à poils longs, de la peinture à l'huile rouge et du vernis. Les jours de repiqués, pas de café pour ne pas avoir la tremblote et un peu d'entrainement. Comme à l'école, je fais des lignes de repiqués  avant de me  lancer  sur mes panneaux ! Sur le trait rouge dessiné, on applique de l'or en feuille. Puis on termine par les repiqués noirs réalisés avec de la peinture à l'huile noire et du vernis.


Feuille d'entraînement aux  repiqués

repiquages
Les repiqués avant la pose d'or

Quelques jours de séchage et il ne reste plus qu'à vernir les panneaux. 

décor à l'or
Panneau terminé avec une  première couche de vernis
20 cm x 19,5 cm


décor à l'or
Panneau terminé avec une première couche de vernis
11,5 cm x 26 cm


samedi 25 avril 2015

Cadre on line ! Restauration d'un cadre

cadre restauration
Cadre
Détails et teintes des trois phases de la restauration

Donnons d'abord un cadre à cette histoire, l'histoire de ne pas être hors cadre !

Il était une fois un vieux cadre qui se désespérait dans une vieille cave. Depuis un moment, il me regardait en coin, anéanti par mon mépris. Je l'ignorais, lui jetant à peine un regard malgré son appel  pitoyable. Puni qu'il était au fin fond de ma cave.

Il tentait bien de me faire signe mais je persistais à l'ignorer, je me doutais bien qu'une fois entre mes mains, plus question de m'en défaire.

Et puis un jour pas comme les autres, va savoir pourquoi ! Ni une, ni deux je le sors de sa prison.

Le temps de nous jauger, de nous apprivoiser. Que pouvions-nous faire ensemble pour restituer son lustre d'antan ? Allait-il se laisser faire ou résister ? Me révéler quelque secret inavouable m'amenant à la funeste conclusion : plus rien à faire pour le préserver ? Avais-je l'énergie, la patience et les moyens de le sauver sans lui faire perdre la face ? Lui faire plus de mal que de bien ?

blanc de meudon
Travail en cours
Les parties blanches sont les parties reprises au blanc de Meudon

D'abord, une période d'observation : une belle moulure bien ronde, bien grasse. Un décor de feuilles d'acanthe et de fleurettes. Pas très vieux, probablement 19ème,  il était fait d'un décor mouluré en plâtre qui gentiment se décollait ici et là, sans compter des morceaux de décor absents, décollés, tombés, perdus. Le tout revêtu d'une teinte verdâtre tandis que quelques traces d'or subsistaient, restes archéologiques d'une dorure à la feuille dans une première vie. Il était loin le temps où il brillait de tous ses feux. La chute était terrible, mais ainsi passe la gloire…..

Pas de traumatisme pour ce cadre, de la douceur : des produits et des méthodes réversibles, il n'y a pas mieux. Alors, faites chauffer la colle ! Mais pas n'importe quelle colle, non de la bonne vieille colle de peau de lapin. Mais qu'est-ce donc, me direz-vous ! C'est une colle animale obtenue après différents traitements de la peau de lapin. Il s'agit d'extraire du collagène sous forme de gélatine. Cette gélatine est commercialisée en plaques, en granulés ou en poudre sous l'appellation de colle de peau de lapin.

Pour l'utiliser, on laisse gonfler les granulés dans de l'eau pendant une nuit, la colle est ensuite chauffée au bain Marie. La température de la colle ne doit jamais dépasser 60° sous peine de perdre ses propriétés. La réchauffer à plusieurs reprises est également à éviter car celle-ci devient alors cassante en séchant.  Cette colle ne se conserve pas, et se dégrade rapidement attaquée par de vilaines bactéries ! D'aucuns conseillent d'y ajouter une goutte d'essence d'aspic ou un clou de girofle pour leurs propriétés antiseptiques….

Connue depuis 16ème siècle, préparée avec plus ou moins d'eau, additionnée ou non avec une charge (blanc de Meudon ou pigments par exemple), cette colle d'une grande souplesse est utilisée à chaud en dorure, en peinture décorative …..

Mais revenons à notre cadre. Ainsi j'utilisai cette fameuse colle plus ou moins chargée en blanc de Meudon pour combler les fissures, fixer les soulèvements, et recoller certaines pièces.

blanc de meudon
Motif de l'angle réalisé par moulage 

Pour les parties manquantes, j'ai procédé par moulage. Merci ma sœur qui rapidement m'a fourni de l'alginate, produit utilisé par les dentistes pour prendre les empreintes des dents. Et oui, je fais  feu de tout bois ! Mais je n'ai rien innové, certains sculpteurs utilisent cette poudre depuis longtemps !

Le décor étant symétrique et répétitif, j'ai pris l'empreinte d'une pièce saine pour faire un moulage en apposant ma pâte d'alginate sur cette dernière. Le moule réalisé est ensuite rempli de pâte (colle de peau de lapin + blanc de Meudon). Après démoulage, la pièce est collée pour remplacer la partie lacunaire.

Une fois ces opérations réalisées….     Un ponçage soigné. C'est fou la part du ponçage dans mes activités ! 

Et par-dessus tout ça, comme disait si joliment Monsieur 100 000 volts, un noir chaleureux sur une couche d'assiette rouge, puis un léger ponçage sur les reliefs et pour finir une cire incolore. Ce cadre méritait bien que l'on s'inspire des cadres flamands souvent noirs au 17ème.

cadre
Pose de la teinte rouge

Notre  cadre  était  maintenant  sorti d'affaire et si  sa fonction est bien souvent de limiter l'espace,  il fut pour moi  l'occasion de meubler  le mien !


cadre
Cadre restauré teinté et ciré

vendredi 17 avril 2015

Les vanités, même pas peur !

Mais quelle vanité que de poser des coquilles d'œufs (de poule)  sur un crâne humain (en résine je vous rassure) ! 

Première opération : un véritable jeu de patience ; des creux et des bosses, des bosses et des creux ! Atteindre et combler les orbites, mosaïque de petites coquilles à coller le plus régulièrement possible, le parti pris étant de coller serré, comme dit la chanson. Mais il ne s'agissait pas seulement de les poser de façon jointive, il fallait que chaque morceau reste à sa place lors des opérations suivantes. Une petite précision, la coquille d'œuf est collée du côté convexe (côté coloré). Le vernis appliqué auparavant sur le support fait office de colle, un morceau de coquille est alors appliqué puis fractionné en petits morceaux par un ou plusieurs appuis. Deux outils pointus, un dans chaque main servent en même temps à maintenir et à fractionner la coquille. Une fois que la pose et les dimensions des coquilles posées conviennent, on passe à un autre morceau et ainsi de suite…

coquilles d'oeufs
Pose des coquilles d'oeufs

Après  un  temps certain ou  un certain  temps,  une  vérification minutieuse : contrôler qu'aucune pièce du puzzle ne s'est envolée et y remédier si nécessaire. Puis passage à la deuxième phase moins fastidieuse. Recouvrir ce joli crâne d'œuf de couleur. Un savant mélange de pigment noir, de térébenthine et de vernis recouvre à plusieurs reprises l'objet satanique. De blanc, mon crâne devient tout noir, la coquille d'œuf est noyée dans la couleur. Ainsi, le noir s'infiltre dans les interstices comme un joint, affleurant la surface des coquilles. Il ne doit pas y avoir de différence de niveau entre les coquilles et le joint par la suite.


tête de mort et coquilles d'oeufs
Coquilles d'oeufs noyées dans la couleur


Vous allez me dire, mais il est tout noir ! Et oui, il est tout noir, alors quoi ? Alors on prend de l'eau, de l'abrasif et c'est ponçage ! Au fur et à mesure du ponçage, le noir s'en va pour laisser place à la coquille avec des  joints bien noirs ! Pas si facile que ça, toujours mes creux, mes bosses et mes orbites ! Pas question de frotter comme une furie ou de prendre un abrasif costaud, la tentation est grande ! Pour la réussite de l'opération le ponçage doit être uniforme, même degré de blancheur sur toute la surface. Et si la coquille d'œuf est trop poncée, elle s'abîme, devient grisâtre ou disparaît. Pas question d'erreur, même pédagogique !

On passe alors aux dernières phases, vernis, ponçage, vernis, ponçage, vernis ponçage, la surface doit être parfaitement plane, on termine par le lustrage et voilà notre vaniteuse vanité laquée !

coquilles d'oeufs
Vanité laquée
Coquilles d'oeufs et vernis

Aujourd'hui, le crâne humain ne fait plus peur. Fantaisiste, récupéré, détourné et coloré par la mode, le design et l'art contemporain. Des couleurs avec Andy Warhol, des diamants avec Damien Hirst ! Pourquoi pas des coquilles d'œufs pour D'ors et d'arts ! L'épouvantable devient fréquentable, le crâne humain devient fashion !

Damien Hirst : http://www.damienhirst.com/artworks/catalogue

Les incrustations de coquilles d'œufs sont des décors utilisés traditionnellement dans l'art de la laque ; la couleur blanche n'existait pas. La période "Art déco" a redonné ses lettres de noblesse à cette technique et pour en savoir plus :



jeudi 9 avril 2015

Pixels romains ou l'art de la mosaïque

"Le bonheur n'est pas un diamant gros comme une maison, c'est une mosaïque de petites pierres dont aucune souvent n'a une valeur générale et réelle pour les autres. Ce gros diamant, cette rose bleue, ce gros bonheur, ce bonheur monolithe, est un rêve".
Alphonse KARR – Un voyage autour de mon jardin – 1845

Quelle jolie définition ! Je la fais mienne !

mosaïque


Si toutes ces petites pierres fabriquent un joli bonheur elles forment également de magnifiques mosaïques. Et comme c'est moi qui tiens la plume, laissez-vous  emmener vers le monde minéral, qu'ils soient communs ou précieux, monochromes ou colorés, ces petits cailloux sont tous chargés d'histoires, de savoir-faire et de beauté.

Le terme mosaïque vient du latin "musiuum opus" qui désigne à l'origine les mosaïques qui ornaient les grottes naturelles ou artificielles que les romains consacraient aux muses. Ces lieux se nommaient "musaea", l'appellation de leurs décors devint musiuum opus puis musiuum. Par extansion, le mot fut attribué aux mosaïques murales puis à la technique dans son ensemble.

Réalisée avec de petits carrés de matière dure la mosaïque est posée au sol (mosaïque de pavement), aux murs et aux voûtes (mosaïque pariétale). Des petits cubes de pierre, de marbre ou de terre cuite sont taillés. Déjà des pixels en somme ! Plus ils sont petits, plus le dessin est précis, plus les dégradés de couleurs combinent des jeux de lumière et d'ombre, des effets de profondeur, de perspective et de volume ce qui faisait dire à Pline l'Ancien de la mosaïque qu'elle était "de la peinture en pierre"

Colombes - Maison de la mosaïque aux colombes - Pompéi

L'art de la mosaïque traverse les siècles et les continents. Après la conquête de la Grèce, les romains, grands copieurs devant l'éternel, adoptent cette technique et la propage dans toutes leurs provinces. La mosaïque pénètre dans tous les bâtiments, qu'ils soient publics ou privés. Allant de simples dessins géométriques en noirs et blancs, de motifs végétaux stylisés, des scènes mythologiques, tableaux de vie quotidienne, natures mortes. On la rencontre en Gaule, en Germanie, en Angleterre, dans les Balkans, dans le bassin méditerranéen et Proche Orient, en Afrique, en fait dans tout l'empire.

Chat attrapant un oiseau - Aile de la maison du faune, Pompéi
Ainsi, de multiples exemples de mosaïque sont aujourd'hui dévoilées au grand public et les chantiers archéologiques ne cessent d'en révéler ici ou là. Car les mosaïques, à l'inverse d'autres productions artistiques, ont particulièrement bien résisté aux vicissitudes du temps, c'est ce qui en fait aussi leur particularité. Elles semblent durables, inusables et éternelles. En pavement, elles étaient lavées à grande eau et présentait une étanchéité certaine donc une protection contre l'humidité, raison pour laquelle elles ornaient bassins et fontaines.

Si la mosaïque se définit comme l'organisation d'une surface à décorer, elle est essentiellement liée à l'architecture ; la pièce est son écrin. Ecrin à l'image de son propriétaire, riche, cultivé, érudit ou voulant se monter comme tel, et reflet de ses croyances et de ses goûts.


Mosaiques de pavement dans leur contexte
A gauche : Maison des griffons - chambre II
A droite : reconstitution réalisée au Métroplitan Muséum of Art de New York
(Source : fresques des villas romaines - Citadelles & Mazenod)
Ainsi, les mosaïques deviennent somptueuses, avec des éléments décoratifs extraordinaires, pour certaines presque du 3D tant les volumes sont rendus magnifiquement par des dégradés de couleurs. A travers les sujets évoqués, ces mosaïques nous racontent des histoires, vie quotidienne, mythologie, ce sont de véritables bandes dessinées pour qui veut les lire. On peut aisément illustrer ce propos avec le si célèbre "cave canem" qui se suffit à lui-même.
Cavé Canem - Maison du poète tragique - Pompéi

Autre point qui me paraît remarquable c'est la dimension de ces œuvres, les surfaces décorées sont souvent très grandes, le nombre de tesselles est donc proportionnel, et chaque tesselle est taillée ! Rendez-vous compte que la célèbre mosaïque ayant pour sujet la victoire d'Alexandre le Grand sur Darius compte environ 2 millions de tesselles ! Impossible de ne pas songer au temps passé, aux gestes de chaque artisan. Je n'ai malheureusement pas trouvé de renseignement quant à l'organisation du métier de mosaïste à cette époque.


La bataille d'Alexandre à Issos - Maison du Faune - Pompéi
Dim. 5,40 m x 2,80 m 

Curieusement, ces mosaïques ne sont pas signées. La technique de la mosaïque était-elle considérée comme un artisanat ou un art mineur ?

Et pourtant, l'art de la mosaïque traverse 6000 ans d'histoire pour arriver jusqu'à nous. Sous l'empire romain à son apogée, elle s'étendra sur un territoire de 2 750 000 km2. C'est un formidable reportage dont le titre pourrait être la vie sous l'Empire romain. Un magnifique livre d'images ! Son histoire ne s'arrête pas là et nous aurons l'occasion d'ouvrir plus tard un autre chapitre.

Sources :
- Encyclopédia universalis
- Pompéi – Erich Lessing – Antonio Varone - TERRAIL

Et pour en savoir plus sur la restauration des mosaîques :